Dirigeants, managers, chefs d'équipe... prenons de la hauteur !
"Ce qui nous donne l’envie de s’engager ensemble c’est le fait d’avoir un désir, un rêve en commun" : voici les mots d'Erik Decamp lors de l'ouverture de la conférence qu'il a donnée jeudi 19 mars 2015 au World Trade Center (WTC) Nantes Atlantique. Si l’objectif est commun, les motivations, elles, peuvent être différentes : "respectons les rêves des autres, c’est le propre d’une équipe", souligne l'alpiniste.
Aventure en haute montagne, management de l'entreprise, pour Erik Decamp, les passerelles sont aisées entre ces deux univers, tant dans la manière d'appréhender les enjeux que de gérer les équipes :
- Afin de relever les plus beaux défis, il est important de ne pas s’enfermer dans ses habitudes, dans des modes opératoires habituels. Il faut accueillir des "repères nouveaux", trouver le bon rythme, celui adapté aux contraintes liées à l’altitude... ou aux nouveaux environnements de l'entreprise ! Par exemple, savoir changer ses priorités : "à 5000m d'altitude, on privilégie l’autonomie avec un sac à dos bien plein, à 8000m on privilégie la légèreté" !
- Il faut être attentif aux signes d’alerte éventuels, cela demande des qualités d’écoute très fortes. Parfois, l’envie de réussir devient "la peur de ne pas réussir", avec le risque de se mettre en danger.
- Il faut respecter les phases nécessaires : quelle que soit la tension, la motivation à avancer, il faut rester attentif au "ici et maintenant", insiste Erik Decamp.
« accepter de faire l’expérience de la fragilité »
En haute montagne, les individus ne sont pas en pleine possession de leurs moyens et doivent faire appel à des ressources nouvelles. La plus précieuse d'entre elles ? L’expérience.
Quel est le prix acceptable et inacceptable de la réussite d'un projet ? Dans quelles limites la réussite de ce challenge deviendrait un non-sens ? Voici les questions qu'un chef d'entreprise ou un manager doit se poser.
Il doit avoir conscience des limites et des efforts à faire et doit s’en porter garant. La difficulté est dans l’équilibre entre la nécessité d’adaptation et le besoin de repères. Parfois, il faut savoir renoncer, en l’occurrence faire demi- tour lors d’une ascension, pour éviter le véritable échec : l’accident.
Autre point de vigilance : maintenir des moments de convivialité, des moments qui rappellent la vie quotidienne : ils aident à la survie, à surmonter l’angoisse de ne pas revenir.
Et si un membre du groupe "décroche" ? Selon Erik Decamp, il convient de le ramener à tout prix dans le groupe en lui confiant, par exemple, une responsabilité cruciale pour le groupe ou pour le projet. Le fait d’exposer une personne à de nouvelles responsabilités, sans exagération, peut l’aider à lui donner confiance en elle. "L’approche du sommet demande un niveau d’engagement encore supérieur", affirme l'alpiniste. Il est donc important de maintenir un équilibre entre les trois paramètres suivants : la réussite, les capacités et le désir.
Donner le cap, trouver des solutions, comprendre les autres
Le responsable d'expédition, tout comme le chef d'entreprise ou le manager, doit donner de la vision, le sens du réel. Il lui appartient de "donner le cap". Son objectif ? Ramener tous les membres de l'équipe.
Pour établir une relation de confiance, pour aider les membres de l'équipe à se sentir en confiance, il est nécessaire de faire preuve d'empathie, de tenir compte des peurs de l’autre. Ainsi, le responsable d'expédition doit-il s'efforcer de fixer des objectifs acceptables pour l’autre, et surtout de le libérer de la peur de l’échec. Parfois, il n'est pas forcément nécessaire d’intervenir pour donner confiance aux autres,le simple fait d'être présent, d'être prêt à intervenir, suffit,
Erik Decamp aborde également la notion de "bienveillance" des uns envers les autres, facteur de confiance au sein d'une équipe. La bienveillance exclut le jugement : "ce n’est pas de la surveillance, c’est de la liberté". La responsabilité d’instaurer cette relation de confiance revient à celui qui est « en haut ».
Anticiper, mobiliser l’attention, accompagner
Lorsque l'on atteint le sommet, il convient surtout, ne pas céder à l’euphorie, malgré le sentiment exaltant qui apparaît ! Si le sommet incarne la réussite dans le langage courant, pour un alpiniste, c’est le commencement de la suite : il faut garder de l’énergie pour la descente. Dans le langage de l'entreprise, c'est la phase après un projet ou un événement.
Pour lui, il est crucial d'aider les gens à s’approprier cette vision que le sommet, le point culminant, la réalisation du projet ou de l'évènement n’est pas la fin. Les membres de l’équipe doivent ainsi être accompagnés dans la phase descendante. Quitte, parfois, à ralentir le rythme de la montée afin de garder des ressources pour la suite, pour la descente, pour "l’après-projet".